1er COLLOQUE AFRICAIN DE L'ASSOCIATION FRANCOPHONE INTERNATIONALE DES DIRECTEURS D'ETABLISSEMENTS SCOLAIRES (AFIDES)
THEME :
Les meilleurs outils de gestion :
Identification, Appropriation Et partage
Dans Une communauté de pratique
26-27-28 octobre 2011
OUAGADOUGOU, BURKINA FASO
SOUS LA PRESIDENCE DE Pr ALBERT OUEDRAOGO,
MINISTRE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE ET SUPERIEUR
ET
LE PARRAINAGE DE MME KOUMBA BOLY / BARRY,
MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE
ET DE L'ALPHABETISATION
Communication sur le thème : « La formation comme outil de développement professionnel des chefs d'établissement »
Yoma batiana
Elève Conseiller Pédagogique
de l'Enseignement secondaire 2010-2012
à
l'Ecole Normale Supérieure de l'Université de Koudougou
Master Professionnel M2 en Gestion des Systèmes Educatifs de l'Université Senghor d'Alexandrie: spécialité Formation de formateurs de directeurs d'établissements scolaires
Ancien chef d'établissement (12 ans d'expériences)
Chevalier de l'Ordre National
Médaille d'Honneur des Collectivités locales
La formation comme outil de développement professionnel des chefs d'établissement
INTRODUCTION
Depuis une vingtaine d'années, les évolutions dans le monde du travail (tertiarisation, féminisation, réduction et flexibilité du temps, développement de la formation…) s'accompagnent, selon BALLEUX, A & PEREZ-ROUX, T (2011) , d'une montée des incertitudes liées aux demandes croissantes de productivité et à de nouvelles formes de précarité de l'emploi. Ces deux auteurs réfèrent à un sociologue contemporain, Lallement (2010), pour qui plusieurs registres de tensions sont repérables. Il s'agit des tensions liées aux évolutions et recompositions du monde du travail, celles contraintes par de nouvelles formes d'organisation à intégrer, celles renvoyant à l'expérience du travail elle-même, telle que vécue par les individus au quotidien. Ces mutations peuvent conduire à des formes de réaménagement de l'activité professionnelle comme les mobilités désirées ou subies : changement de poste ou de fonction à l'intérieur d'une même organisation, bifurcation radicale en termes de métier, mais aussi, décisions de réorientation en lien avec le marché du travail, suite à des périodes de chômage ou d'emplois précaires. Ces perspectives visent le plus souvent un possible développement professionnel, dans lequel la reconnaissance au travail reste un levier important (Honneth, 2000 ; Brun, 2008).
Selon CHARRON, R. (2010) dans le cours sur le « Développement professionnel » du Master Pro 2 à distance en Gestion des systèmes éducatifs de l'Université Senghor d'Alexandrie, la professionnalisation de la gestion scolaire exige une formation appropriée. Les décideurs politiques en sont arrivés à la même conclusion puisque la Conférence des ministres de l'Éducation des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) a proposé d'accorder une priorité à « la mise en place ou le renforcement de programmes de formation et de développement professionnel des gestionnaires à tous les paliers du système ». Pourtant, dans la plupart des systèmes scolaires, aucune formation initiale n'est exigée ni offerte aux gestionnaires éducatifs. Et la formation continue, généralement insuffisante, n'est pas orientée vers la professionnalisation des participants. Or, la compétence constitue l'une des caractéristiques essentielles du leadership en général. Pour exercer un leadership en gestion scolaire, il ne suffit pas seulement de posséder du charisme. Il faut aussi démontrer la maîtrise du secteur d'activités dans lequel on souhaite exercer une influence. Cette compétence n'est évidemment pas innée. Elle exige des connaissances et des habiletés spécifiques qui doivent être acquises au minimum par une formation « sur le tas », en cours d'emploi ; au mieux par une formation initiale et continue adéquate. En somme le leader scolaire n'est pas un amateur. On le considère de plus en plus comme un professionnel.
Cette communication sur le thème « La formation comme outil de développement professionnel des chefs d'établissements » a pour but de justifier l'importance de la formation dans la professionnalisation des chefs d'établissements. De manière spécifique, nous allons dresser le portrait de la situation nationale en matière de formation des chefs d'établissements, identifier les forces motrices et restrictives de leur développement professionnel, exposer les fondamentaux de leur formation professionnalisante et conclure par un plaidoyer pour une prise de conscience de la dimension sociale de cette professionnalisation (notamment par la mise en place de mécanisme de reconnaissance, de certification et de réseaux de partages d'expertises et de ressources).
La problématique de la formation comme levier du développement professionnel de chefs d'établissements dans les systèmes éducatifs africains suscite pour notre réflexion un certain nombre de questions. Au regard du contexte international favorable à la professionnalisation des chefs d'établissement par des formations qualifiante et valorisante pour faire face aux mutations intervenues ces dernière décennies dans leurs fonctions, quelle est l'état de la situation de leur formation professionnelle au Burkina Faso ? Que peut-on proposer en plus de l'existant pour une amélioration de cette formation professionnelle au regard des réalités de notre système éducatif ?
Dans une étude, l'UNESCO, (2006), Les nouveaux rôles des chefs d'établissements dans l'enseignement secondaire, pp, 31-33, reconnaît cinq (5) changements intervenus dans le métier de chef d'établissement et qui l'ont rendu plus complexe et plus difficile à exercer. Ces changements justifient la nécessité de professionnaliser la formation des chefs d'établissements pour leur permettre de s'adapter aux spécificités des contextes mouvants des systèmes éducatifs (justifiés par les réformes opérées dans la plupart des systèmes). Ainsi, on observe :
- Le cumul des rôles anciens avec les nouveaux rôles de chef d'établissement en périodes de changements, entrainant un accroissement de la charge de travail et le développement du stress corrosif ou « burn-out ». Il convient alors de préparer les directions d'établissements à travers des formations explicatives pour les rendre aptes à assumer les nouveaux rôles qu'imposent ces changements pour qu'elles ne rament pas à contre courant des nouveaux contextes.
- Les relations entre les chefs d'établissement et les autorités éducatives, sont devenues de plus en plus exigeantes quant à l'obligation de résultats sur la base d'objectifs assignés. Ainsi le chef d'établissement entretient désormais des relations de négociation des ressources pour « atteindre les performances sur lesquelles on s'engage ». Ces changements, induits par les processus de décentralisation qui consacrent de plus en plus d'autonomie aux établissements, interpellent les chefs d'établissements à plus de responsabilités et de professionnalisme que la formation devrait contribuer à renforcer dans leurs pratiques quotidiennes.
- Les relations entre les chefs d'établissement et les parents sont devenues des relations de proximité et de partage du pouvoir de décision. Les chefs d'établissements doivent désormais s'imposer en arbitre dans les conflits pouvant apparaître dans l'établissement. Cette nouvelle posture exige une préparation des directions pour gérer les conflits avec les enseignants qui ne sont plus les seuls détenteurs du savoir (grâce aux progrès prodigieux des TIC) et qui le ressentent comme une perte de prestige.
- Les relations entre les chefs d'établissement et l'environnement économique et social ont évolué vers une totale ouverture et une intégration. Certaines influences négatives comme la violence, les trafics et les conduites à risques font de plus en plus leur entrée à l'école jadis garante de la morale et de la justice. Ces phénomènes nouveaux entrainent des perturbations dans la sérénité du travail et accroissent considérablement les tensions et les conflits que les chefs d'établissement doivent gérer. Par ailleurs, les nouveaux modes de financement obligent aussi les chefs d'établissement à recourir à des partenariats dont les conditionnalités influencent l'autonomie de l'établissement. Ils doivent donc être formés aux méthodes de la gestion partenariale, de la sécurité des personnes et des biens et de l'éthique professionnelle pour mieux organiser l'établissement et faciliter son intégration dans son environnement (élaboration du projet éducatif).
- Les relations entre les chefs d'établissement et les enseignants ont évolué vers la professionnalité.
Lorsque les différents acteurs agissent dans une vision partagée, le climat organisationnel s'en trouve amélioré. Quand on sait que l'établissement est un espace propice à la tension en raison des changements qu'il véhicule, un climat serein de travail est indispensable pour la réalisation des activités pédagogiques, l'encadrement de ces activités, la prévision et la projection des résultats en termes d'objectifs à atteindre. Pour cela, le chef d'établissement doit être nanti de solides compétences managériales pour pouvoir asseoir son leadership pédagogique dans l'établissement. En effet, l'éloignement de l'encadrement plaide pour un accompagnement de proximité des enseignants et le gestionnaire est de facto le premier « encadreur » vers qui les enseignants ont recours pour lui adresser leurs difficultés au plan pédagogique. Il fait souvent appel à son expérience pour proposer certaines solutions. Et, s'il fait preuve de compétences en gestion pédagogique reconnues et acceptées par l'équipe enseignante, il peut facilement assurer un leadership partagé. Les compétences d'enseignement d'un chef d'établissement ne suffisent pas à garantir une gestion pédagogique efficace : une formation qualitative adéquate est indispensable pour assumer ce rôle de plus en plus exigent.
- La formation des chefs d'établissement au Burkina : le paradoxe
Malgré les tendances internationales qui plaident en faveur de la professionnalisation des métiers de l'enseignement, celle-ci demeure fortement tributaire de la situation à l'intérieur de chaque système scolaire. Le développement d'une profession répond à des impératifs économiques et sociologiques qui ne peuvent être généralisés sans égard aux réalités locales.
Selon Pelletier (2006), pour favoriser le développement professionnel des personnels de direction, il faut établir un diagnostic de la situation ambiante, en identifier les forces motrices et les forces restrictives. Il faut identifier, dans le système, quelles sont les réalités qui supporteront ou qui ralentiront le développement professionnel.
Dans l'introduction au Recueil des principaux textes officiels relatifs à la gestion des établissements d'enseignement secondaire, Bê Didier KAM (1997), Directeur des inspections et de la formation des personnels de l'éducation (DIFPE), reconnaissait que « Au Burkina Faso, les chefs d'établissement d'enseignement secondaire sont des professeurs de l'enseignement secondaire nommés à partir d'une liste d'aptitude, et qui exercent leurs fonctions sans avoir reçu une formation initiale. Il s'avère donc indispensable, pour qu'ils puissent accomplir au mieux leurs tâches, d'assurer leur formation en cours d'emploi. » Ainsi, partant de ce constat poursuit-il, « l'équipe de formation du ministère, dans le cadre de l'élaboration du programme de formation de ce personnel, a jugé indispensable de faire dans un premier temps la description exhaustive de la fonction du chef d'établissement (…) à savoir : l'aspect administratif, l'aspect pédagogique, l'aspect gestion matérielle et financière, l'aspect éducatif. » C'est cette description qui sert de référentiel de base à la formation continue des chefs d'établissement.
Il faut également relever l'existence de structures de formation qui possèdent une riche expérience dans la formation initiale des gestionnaires. L'École normale supérieure de l'Université de Koudougou est chargée de la formation initiale des enseignants du secondaire, des instituteurs principaux (IP) qui assument les fonctions de directeur au primaire, des conseillers et attachés d'éducation et/ou d'orientation scolaire, des conseillers pédagogiques et des inspecteurs du primaire et du secondaire. L'École nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM) de Ouagadougou contribue à la formation initiale des personnels d'administration et d'intendance scolaire et universitaire (attachés et conseillers). L'École des cadres moyens en travail social (ECMTS) et l'Institut national de formation en travail social (INFTS) sont aussi performants dans la formation des gestionnaires des structures éducatives du ministère de l'Action sociale et de la Solidarité nationale.
A ce dispositif académique de formation des gestionnaires il faut ajouter l'expertise des directions chargées des formations en cours d'emploi des personnels enseignants et de gestion, logées dans les ministères en charge du secteur de l'éducation. On peut relever entre autres le rôle dynamique de la Direction générale des inspections et de la formation des personnels enseignants (DGIFPE) du MESSRS déconcentrée dans les régions en équipes régionales de formateurs. Cette direction comptabilise des acquis dans l'élaboration de modules et la mise en œuvre d'activités de formation des gestionnaires du secondaire. Les modules disponibles au niveau de cette Direction traitent des domaines suivants : la gestion administrative ; la gestion financière ; le tableau de bord d'un établissement ; la gestion participative ; la gestion pédagogique ; la gestion des ressources humaines ; la vie scolaire ; la conduite de réunion ; la gestion des conflits, le projet d'établissement ; la rédaction administrative ; l'interprétation des textes règlementaires (éthique).
Au Burkina Faso, il n'existe pas un profil de compétences élaboré dans le système d'éducation pour la simple raison que les documents didactiques d'opérationnalisation de l'approche par les compétences (APC) adoptée dans la lettre de politique éducative de juillet 2008 sont en cours d'élaboration. C'est à ce niveau que ce colloque présente un intérêt pour la recherche pédagogique dans la mesure où, elle pourrait adapter certains outils parmi ceux qui ont été présentés au profil recherché par notre système national.
La situation de la formation des chefs d'établissements au Burkina Faso présente quelques paradoxes. En effet, dans notre diagnostic, nous établissions que la faiblesse dans la préparation actuelle des directions d'établissement est due pour une part au processus de sélection et de nomination qui s'appuie quasi exclusivement sur les compétences reliées à l'enseignement surtout dans le département ministériel des enseignements secondaire et supérieur où le niveau académique des enseignements est non seulement le plus élevé mais aussi le plus complexe. Or, les compétences que l'on doit rechercher chez un gestionnaire d'établissement dépassent largement celles liées à la profession enseignante.
Il n'est pas rare de rencontrer dans une structure éducative un personnel de gestion aux profils divers placé sous la responsabilité d'un supérieur hiérarchique qui ne possède que des compétences d'enseignement. Cette situation expose les acteurs de la gestion à des conflits de compétences et fragilise la cohésion des équipes. Dans ce cas, l'efficacité dans la proposition et la coordination des activités de gestion est réduite et entrave l'atteinte de la qualité de l'éducation. Une probable situation conflictuelle qui risque de survenir dans nos établissements d'enseignement est l'affectation des conseillers d'éducation dont la première promotion d'étudiants formée à l'ENS-UK entrera en activité à la rentrée scolaire 2011-2012. En effet, au regard des compétences acquises en formation initiale, ils se sentent plus aptes à diriger les établissements du post primaire et du secondaire et pourraient le revendiquer. Pour éviter cette perspective conflictuelle, il convient de recruter, former (formation initiale) et nommer les enseignants en fonction d'un profil d'aptitudes prédéfini dans un statut particulier à l'image de la France et d'autres pays du Nord. Cette solution a l'avantage de se baser sur le background pédagogique des enseignants. En attendant, le contexte de la gestion au Burkina se prête plus au développement de modules de formation comme la gestion des conflits qui peuvent faciliter la cohésion des acteurs dans une même structure en vue de rendre la gestion plus homogène.
Dans le tableau suivant, l'équipe nationale de formateurs conjoints d'AFIDES et des ministères en charge de l'éducation au Burkina Faso a posé le diagnostic des forces restrictives, motrices et de leur intensité pour implémenter une stratégie nationale de professionnalisation de la gestion du système éducatif amorcée depuis le séminaire international à Tunis Carthage du 04 au 16 décembre 2006 « de conception et d'expérimentation d'une méthodologie de formation des gestionnaires intégrée au fonctionnement du système éducatif national ».
Tableau 1 - Forces restrictives (non exhaustives)
Nature de la force
Choix (cochez)
Intensité
(1 à 5)Actions possibles (brainstorming)
Choix (cochez)
R1
La grande tendance à la politisation de l'administration en général et scolaire en particulier à cause de son vaste capital humain.
*
4
Editer de manière consensuelle des critères de responsabilisation des enseignants susceptibles d'être promus (appel à candidature)
*
R2
Absence de statut juridique pour les chefs d'établissement au secondaire (ils sont considérés comme des enseignants responsabilisés au secondaire).
Certains acteurs de l'éducation ne sont pas favorables à la professionnalisation de l'emploi de chef d'établissement
*
5
Créer un emploi (un corps) de chefs d'établissements intermédiaire entre celui des enseignants et celui des encadreurs pédagogiques.
*
R3
L'insuffisance de ressources matérielles, et humaines (expertise de formation et déficit chronique en enseignants) et financières pour la prise en charge des formations
4
Résoudre le problème de déficit chronique en enseignant par des mesures vigoureuses de recrutement et de formation surtout dans les sous secteurs du post primaire et du secondaire
R4
La faiblesse des équipements en matériel informatique et technologique de l'information et de la communication dans les établissements
4
Résoudre le problème d'électrification des établissements (plus du ¾ n'étant pas électrifié) et les équiper en matériel informatique.
R5
L'insuffisance de motivation matérielle et financière des chefs d'établissements au regard de la complexité du métier de gestion.
*
5
Indemniser conséquemment les chefs d'établissement pour les mettre à l'abri des tentations malveillantes que l'on constate souvent dans la gestion des biens de l'établissement.
*
Tableau 2 : Forces motrices (non exhaustives)
Nature de la force
Choix (cochez)
Intensité
(1 à 5)Actions possibles (brainstorming)
Choix (cochez)
M1
La stabilité des institutions démocratiques qui facilite les propositions de réformes démocratiques soutenues par les institutions internationales pour les changements d'habitudes de gestion dans l'éducation
5
Renforcer la démocratie en ayant un regard vigilant sur les institutions démocratiques et fustiger les prises en otage du pouvoir par des individus
M2
La présence d'une société civile très active (syndicats, associations de parents d'élèves et d'élèves) qui peut militer en faveur de la professionnalisation du métier de chef d'établissement pour assainir le domaine de la gestion de l'éducation et freiner sa politisation.
*
5
Renforcer le rôle des organisations de la société civile pour servir de contre pouvoir et les sensibiliser sur la nécessité de la valorisation de la fonction enseignante en général et de la fonction de gestion en particulier.
*
M3
La volonté de sortir le Burkina Faso du sous développement pour en faire un pays émergent à l'horizon de 2015 en l'arrimant aux standards internationaux de la qualité. (voir la SCADD).
3
Souscrire à l'engagement politique de progrès comme action quotidienne
M4
L'existence de la loi d'orientation de l'éducation de 2007 qui accorde une importance particulière à la qualité de l'éducation à travers la gestion efficace et efficiente du système éducatif
5
Sensibiliser les acteurs sur la teneur de la loi et l'appliquer dans toute sa rigueur
M5
La présence d'écoles de formation d'enseignants et d'une catégorie de personnel technique de la gestion scolaire (intendants, personnel d'administration de l'éducation). Ces écoles sont l'Ecole normale supérieur de l'Université de Koudougou, l'Ecole nationale d'Administration et de Magistrature, l'Ecole nationale des Régies financières. Ces écoles et la Direction Générale des Inspections des Personnels de l'Enseignement (DGIFPE) ont développé des modules de formation en cours d'emploi qui peuvent faire l'objet d'adaptation à la formation initiale de chefs d'établissement du secondaire.
5
Fédérer les efforts de toutes ces écoles et ceux de la DGIFPE dans une stratégie nationale de pérennisation des formations de gestionnaires du système éducatif.
Travailler davantage sur les modules existant par une transposition didactique des savoirs à un niveau universitaire adapté
A court terme, afin de permettre aux chefs d'établissements d'assumer leurs rôles dans le contexte de la réforme du système éducatif en cours, l'équipe nationale de formateurs mise en place par l'OIF et la CONFEMEN en partenariat avec AFIDES, a été chargée de la formulation d'une stratégie nationale de formation des gestionnaires. Les premiers jets ont été l'objet d'un atelier international de restitution du 17 au 20 décembre 2009 à Ouagadougou. Le projet suit son cours et les ateliers nationaux de validation sont entrain d'être organisés. L'atelier national du Burkina Faso est en préparation. Les propositions si elles bénéficient de l'appui des autorités de l'éducation contribueront sans nul doute à professionnaliser davantage les chefs d'établissement en dépit de l'absence de statut particulier.
- Les fondamentaux d'une formation professionnalisante des chefs d'établissements
Les orientations de la recherche
Selon GARTHER THURLER & PERRENOUD. (2004) « Organiser la formation des chefs d'établissement ne peut, comme dans tout autre formation professionnelle, que partir d'une analyse de l'activité réelle et des problèmes à résoudre. Mais ici, la problématique est plus complexe, car une reprise conservatrice de ce que font au jour le jour les chefs d'établissements ne rendra les écoles ni plus efficaces, ni plus innovantes, ni plus vivables. Pour le dire autrement : si la fonction joue un rôle stratégique, on devrait penser sa professionnalité et la formation des chefs d'établissements dans le même registre. Non pas que font-ils, mais que devraient-ils faire pour contribuer à rapprocher le système éducatif de ses missions globales ? »
BRASSARD, A. (automne 2004) pense que les programmes de formation professionnelle ne doivent pas viser à former des savants ou des consultants. Il énonce six (6)
exigences (à titre de propositions) auxquelles les programmes
de formation professionnelle en administration de l'éducation doivent satisfaire
pour conserver leur légitimité d'être des programmes universitaires de deuxième cycle. Ainsi, pour lui, à la fin de son programme de formation, le gestionnaire ou le futur gestionnaire devrait satisfaire aux exigences suivantes :
1) S'être approprié l'ensemble des savoirs essentiels utiles à un exercice efficace de la gestion et l'ensemble des pratiques codifiées acceptées.
2) S'être approprié « l'approche scientifique » de telle sorte qu'il soit capable : de lire la réalité organisationnelle et les réalités organisationnelles d'une façon rigoureuse et qui dépasse les impressions et le gros bon sens; d'avoir accès à la lecture scientifique pertinente; d'évaluer le statut de la documentation à laquelle le gestionnaire est soumis ou veut avoir accès.
3) Avoir développé la capacité à évaluer les diverses solutions à un problème ou les différentes lignes d'action qui s'offrent en fonction de référents essentiels et, au regard d'un nouveau contexte, à relativiser les solutions déjà utilisées. De même, avoir développé la capacité à évaluer dans quelle mesure une pratique efficace employée ailleurs (une « best practice ») s'applique à la situation de son milieu.
4) Avoir développé la capacité à exercer une distance critique en soi et par rapport à soi dans une perspective de court terme et de plus long terme. Ceci revient à dire qu'il aura développé :
- une certaine conscience des facteurs qui conditionnent son approche à l'action.
Cette exigence se réfère, entre autres, aux valeurs, attitudes et croyance qui sous-tendent l'agir du gestionnaire et qui influencent sa définition de la réalité organisationnelle et des réalités organisationnelles;
- une certaine conscience de la théorie ou des théories qui lui servent à expliquer la réalité et inspirent son action, cet élément venant compléter le précédent;
- une certaine conscience de ce qui contribue à rendre son action plus ou moins efficace;
- la capacité à évaluer les pratiques organisationnelles et de gestion ayant cours dans son milieu, il s'agit ici des pratiques institutionnalisées, de même que ses propres pratiques et à les situer en regard de leurs avantages et inconvénients à l'intérieur d'un ensemble systémique qui est un système d'action collective;
- la capacité à évaluer les propositions d'approches, de méthodes, de techniques de tous ordres qui sont formulées à l'endroit des acteurs du système d'éducation et qui sont supposées solutionner les problèmes une fois pour toute.
5) Avoir développé une préoccupation éthique. Répondre à cette exigence va bien au-delà de la simple sensibilisation. La gestion est une technologie du contrôle du comportement humain. Cette prétention est d'ailleurs clairement exprimée dans les livres sur le comportement organisationnel, sauf peut-être dans les plus récents. Dans le monde de la gestion, on en est venu à accepter, à tout le moins implicitement, que les fins à atteindre l'emportent sur tout. C'est ainsi que la gestion moderne s'est dotée d'un discours qui justifie des pratiques plus ou moins acceptables pouvant conduire à l'asservissement des individus, un asservissement souvent subtil qui prend la forme d'une conformité dégradante aux pratiques en vigueur, à une certaine perte de dignité humaine et à une atteinte à la santé psychologique, quand ce n'est pas aussi à la santé physique. À l'opposé, la gestion peut aussi servir à l'épanouissement des humains tout en répondant à des exigences considérables d'efficacité. Tout ici est une question d'éthique, celle-ci, dans mon esprit et qu'on nous en garde, ne se réduisant pas à des codes de conduite, mais à des attitudes à acquérir qui seront renforcées par les pratiques organisationnelles.
6) S'être approprié les connaissances qui le rendent capable d'influencer les politiques éducatives à bon escient. Les gestionnaires de notre système d'éducation, notamment les directeurs d'établissement, sont constamment consultés sur les politiques à définir et à adopter tant par les pouvoirs organisateurs que dans le cadre de leur association professionnelle respective. Eux-mêmes mettent en avant continuellement des propositions qui peuvent conduire à la formulation de politiques. Pour une large part, ces politiques ou leurs conséquences se vivront au sein de l'établissement. Développer chez eux une certaine expertise à cet égard n'est sûrement pas indifférent. »
Les pratiques de socialisation et de formation
Pour PERRENOUD (2001), on
peut caractériser un métier par : «
un rapport réflexif à l'action ;
un rapport critique au pouvoir ;
un rapport empathique aux usagers ;
un rapport coopératif aux collègues ;
un rapport respectueux à la loi ;
un rapport tranquille à la complexité ;
un rapport confiant à l'avenir ;
un rapport responsable au cahier des charges ;
un rapport curieux au savoir ;
un rapport actif à la lecture ; un rapport économe aux ressources ;
un rapport scrupuleux au secret professionnel. »Selon lui, ces divers adjectifs spécifient le " rapport à… " qui convient à telle ou telle pratique professionnelle, qu'il appelle « posture ». Ces postures sont à la fois intellectuelles, éthiques et philosophiques. Dans chaque formation professionnelle, on privilégie ouvertement ou implicitement de telles postures (ou d'autres, ou parfois leur contraire), et donc des valeurs, des attitudes et une forme d'identité professionnelle congruentes avec ces postures.
De l'observation générale, la gestion scolaire est souvent pratiquée dans l'isolement. Or, la Conférence des ministres de l'Éducation des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) a souhaité, dans son Mémorandum sur la gestion scolaire, « accorder une priorité… à la capitalisation et le partage des expériences et des acquis en matière de gestion, particulièrement les outils efficaces et les bonnes pratiques, notamment par le biais des nouvelles technologies ».
Au Burkina de 1993 à 2008, dix (10) conférences des proviseurs et directeurs des lycées et collèges (CPDLC) ont été tenues au bénéfice des chefs d'établissement. Leur caractère institutionnel a constitué des instances de partage d'expériences, des outils efficaces et des bonnes pratiques dans le cadre de la formation continue. En rappel, la CPDLC visait les objectifs suivants : « permettre au Ministre de donner et expliquer des directives et des instructions aux chefs d'établissement ; expliquer aux chefs d'établissement la politique éducative du gouvernement ; faire connaitre les orientations, l'organisation et les activités du Ministère ; faire connaitre les problèmes des chefs d'établissement ; créer un esprit de corps entre les chefs d'établissement et renforcer la cohésion de leur groupe ; promouvoir les rapports entre les établissements d'enseignement secondaire ; favoriser les rapports entre les établissements publics et établissements privés ; contribuer à la formation des chefs d'établissement ; affirmer et faire connaitre et la spécificité du rôle des chefs d'établissement dans la vie de la nation ; contribuer au développement et au dynamisme de l'enseignement secondaire »
Comme on le constate, la CPDLC était porteuse d'espoir de développement professionnel des chefs d'établissement au Burkina Faso. Mais, la crise économique et sociale qui sévit depuis 2008 avec ses manifestations de lutte contre la vie chère dans notre pays a fait remettre en question un certain nombre de pratiques dans la gouvernance politique, économique et sociale au profit de mesures de réduction du train de vie de l'Etat. C'est ainsi que tous les cadres des concertations spécifiques à chaque catégorie de gestionnaire ont été fédérées en une seule dénommée Conférence annuelle de l'enseignement secondaire (CAES). Cette réorganisation, affecte le développement professionnel des chefs d'établissement dans la mesure où la CAES ne peut réunir dans le même espace de temps et de lieu tous les gestionnaires. Elle procède donc par des choix sélectifs pour convoquer les participants pour traiter de thèmes d'actualité comme ceux de la « problématique de l'assainissement de l'environnement scolaire pour une meilleure qualité de l'éducation » en 2009, ou une année scolaire apaisée en 2011. Au cours de cette dernière CAES, l'importance de la professionnalisation des chefs d'établissements a été réaffirmée et une recommandation à l'endroit des autorités politiques a été faite dans ce sens par les participants.
Dans le dispositif organisationnel, les conseils de direction institutionnalisés dans les directions régionales du ministère des enseignements secondaire et supérieur pourraient être qualifiés de meilleures structures ou moyens favorisant le partage des expériences, des outils efficaces et des bonnes pratiques de gestion. En effet, c'est le lieu du suivi et de l'évaluation de la mise en œuvre de la politique éducative. Cependant il faut aller au-delà en opérationnalisant les directions provinciales de l'enseignement secondaire pour créer davantage de proximité entre les établissements et faciliter la mutualisation des moyens. La structuration en réseaux de coopération libres et volontaires peut être une piste à explorer aussi pour renforcer la décentralisation comme le suggère ETIENNE, R. (juin 2002, p.8-9) de l'Université Paul Valery de Montpellier en évoquant les contraintes et ressources liées aux réseaux de communication. La décentralisation facilite la prise d'initiatives pouvant aider à professionnaliser les chefs d'établissements qui se sentent considérés et valorisés puisqu'ils agissent en qualité d'acteurs de premier plan malgré l'absence d'un statut particulier propre qui affirme la spécificité de leurs fonctions. Cependant dans la situation actuelle, il y a un manque d'engouement pour se faire nommer chef d'établissement au post primaire ou au secondaire qui s'expliquerait par la faible valorisation des fonctions de chef d'établissement au Burkina.
CONCLUSION
Le cadre d'action sur la gestion scolaire adopté à l'issue de la 52ème session ministérielle de la CONFEMEN repose sur les réflexions du Cadre d'action de Ouagadougou de la 50eme Conférence ministérielle de la CONFEMEN, qui s'articule autour des quatre axes prioritaires suivants : promouvoir l'éducation pour tous dans le cadre de la lutte contre la pauvreté (OMD); mobiliser et diversifier les ressources ; viser l'efficience dans l'utilisation des ressources ; développer le pilotage des systèmes éducatifs.
Ainsi la responsabilisation, le développement des capacités et la valorisation des personnels doivent se faire en concertation avec les organisations professionnelles et syndicales compétentes. La gestion des systèmes éducatifs et des établissements s'est considérablement complexifiée. Elle exige des aptitudes et des compétences spécifiques qui requièrent entre autres des connaissances, des habiletés, des valeurs et des comportements élevés de leadership, de gestion et de relations publiques. Il faut donc que les personnels en charge de la gestion soient conséquemment recrutés, formés et reconnus pour pouvoir exercer efficacement leurs responsabilités, mutualiser leurs pratiques et affirmer leur identité. Il faudra donc : définir la structure des responsabilités majeures attribuées aux différents paliers du système de gestion ; mettre en place des dispositifs transparents et des critères objectifs qui permettent de sélectionner et de recruter les personnels en fonction d'un profil d'aptitudes valide ; développer des référentiels de compétences, des dispositifs de formation initiale et continue et des programmes de soutien et de conseil qui assurent le développement professionnel des personnels comme un continuum ; reconnaître le statut des personnels de gestion et valoriser la fonction ; favoriser la formation, les échanges d'expertises et d'expériences entre pairs au niveau local, national et international, notamment grâce à l'utilisation les nouvelles technologies éducatives.
- BALLEUX, A & PEREZ-ROUX, T (juin 2011). Edito de la Revue « Recherches en Education N°11» sur le thème : « Transitions professionnelles et recompositions identitaires dans les métiers de l'enseignement et de l'éducation »
- BATIANA, Y. (2O10). Technologies de l'information et de la communication et gestion financière du projet d'établissement. Mémoire professionnel de Master 2 en gestion des systèmes éducatifs de l'Université Senghor d'Alexandrie, pp.94
- BRASSARD, A. (automne 2004). La professionnalisation de la fonction de direction d'un établissement d'enseignement et le développement du champ d'étude de l'administration de l'éducation.
Education et francophonie, volume XXXII : 2, pp.53-56 - BRUN, J.P. (2008), Les sept pièces manquantes du management, Montréal, Les éditions transcontinentales.
- Burkina Faso. Gouvernement. Lettre de politique éducative de juillet 2008.
- Burkina Faso. Ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique. (10 août 1997). Recueil des principaux textes relatifs à la gestion des établissements d'enseignement secondaire.
- Burkina Faso. Ministère des enseignements secondaires, supérieur et de la recherche scientifique. Ministère de l'économie, des finances et du plan. Ministère de la fonction publique et de la modernisation de l'administration. Décret n°95-193/MESSRS/MEFP/MFPMA du 24 mai 1995. Règlementation des fonctions de chefs d'établissement et autres responsables dans les établissements secondaires d'enseignement général et technique. (article 7,8, 9 et 10).
- CHARRON, R. (2010). Cours sur Le développement professionnel, Unité d'apprentissage 4, Module E. Université Senghor d'Alexandrie. Promotion 2009 du Master 2 à distance en Gestion des systèmes éducatifs : spécialité Formateur de chefs d'établissement.
- CONFEMEN. (2007). Pour une nouvelle dynamique de la gestion scolaire : document de réflexion et d'orientation.
- ETIENNE, R. (2002). Les réseaux d'établissements : utiles, gérables, vivables ? Conférence prononcée le 19 juin 2002 à l'Université de Genève
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