lundi 8 août 2011

Le triangle didactique et stratégie de formation en faveur du pôle enseignant

Introduction
Dans la dynamique de l’enseignement-apprentissage, la construction des savoirs qualitatifs est l’objet des interactions entre les enseignants et les élèves. Cette quête met les acteurs dans un processus de transformation des savoirs savants en savoirs acquis. En situation d’enseignement-apprentissage, des interactions s’établissent entre eux dans une sorte de figure virtuelle, appelée « triangle didactique ». Le triangle didactique est une représentation de ces interactions qui mettent en relation trois composantes de l’acte d’enseignement-apprentissage que sont les pôles du savoir, des élèves ou apprenants et de l’enseignant. Dans l’hypothèse d’une intervention de l’encadrement pédagogique, sur quel pôle du triangle didactique une action efficace peut-elle être exercée en priorité en vue de l’amélioration de la qualité de l’enseignement apprentissage? A cet effet, nous analyserons d’abord les conceptions éducatives qui prévalent à travers le triangle didactique. Nous tenterons ensuite, de démontrer pourquoi nous privilégions une intervention de l’encadrement pédagogique en faveur du pôle de l’enseignant pour faciliter la dynamique d’élaboration et de transposition des savoirs dans le processus de l’enseignement-apprentissage. Enfin, dans le cadre de la préparation à l’exercice des compétences de conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire au Burkina Faso, nous élaborerons des stratégies d’intervention en faveur de ce pôle en vue de l’amélioration de la qualité de l’enseignement-apprentissage.
1. Définitions et fonctionnement du triangle didactique
Le triangle didactique est une représentation schématisée de la transposition didactique. La transposition didactique, qui apparaît dans toute médiation du savoir entre un enseignant et un enseigné, est formée des interrelations produites entre les pôles suivants : le savoir scolaire (S), le professeur (P) et l’élève (E).





L’axe des interactions entre l’enseignant (P) et le savoir (S) concerne le processus d’enseignement. C’est l’axe épistémologique par excellence : celui de l’élaboration du savoir didactique. Ce paradigme de l’enseignement est celui des pratiques instructivistes, basées sur une élaboration et une construction déductive des savoirs linéaires. C’est une phase conflictuelle entre les conceptions philosophiques et morales de l’enseignant, les finalités éducatives définies par le politique sur lesquelles se fondent les référentiels de compétences et la qualité de sa formation initiale. Selon Gauthier, R-F. ; (UNESCO, 2006) , « la formation scientifique académique ne suffit pas, même quand elle est accompagnée d’un savoir faire pédagogique véritable, si le professeur n’a pas bénéficié d’une prise de conscience des relations qui doivent exister entre son savoir et celui qu’il a à diffuser auprès de ses élèves. » C’est un axe dynamique dans la mesure où l’enseignant réagit à la construction des savoirs en faisant les réajustements nécessaires suite à sa pratique. C’est le processus de la métacognition engendré par les interactions des apprenants face au savoir enseigné.
L’axe des interactions entre les élèves et le savoir constitue le deuxième paradigme du processus de l’apprentissage du triangle didactique. Entre les élèves et le savoir, il s’établit une sorte de processus psychologiques et mentaux dynamique dont l’objet est l’appropriation du savoir didactique. C’est l’axe de la construction du savoir par les élèves. A ce niveau, il s’opère une sorte de sélection du savoir parmi les savoirs enseignés prévus. Les savoirs que construisent les élèves ou savoirs scolaires sont fonction de leurs conceptions personnelles dont il faut tenir compte dans l’élaboration des nouvelles connaissances.
Le troisième axe, l’axe praxéologique, celui des interactions entre l’enseignant et ses élèves, est, celui des interactions didactiques in situ. C’est l’axe du processus de la formation en situation d’apprentissage où le savoir prescrit (le curriculum) est contextualisé, décontextualisé, recontextualisé et décontextualisé (à travers des situations-problèmes) de façon interactive en situation de classe (praxis) entre les élèves et leur enseignant. Perrenoud, Philippe , en parlant des situations d’apprentissage affirme que « Aujourd’hui, il apparaît clair qu’enseigner ne consiste plus à donner de bonnes leçons, mais à faire apprendre, en plaçant les élèves dans des situations qui les mobilisent, les stimulent dans leur zone proximale de développement, leur permettent de donner du sens au travail et au savoir. » Il importe donc que l’enseignant soit formé aux théories de l’apprentissage telles que la psychopédagogie, le constructivisme, le socioconstructivisme, la communication et l’animation…
2. L’importance du pôle enseignant dans la qualité des interactions entre les différents pôles.
A partir de l’analyse qui précède, notre attention se centrera sur ce qui constitue le « noyau dur » du triangle didactique, le pôle enseignant. Ainsi, c’est aux enseignants que revient la délicate mission de transposition des savoirs à enseigner (le curriculum) en savoirs acquis par les élèves.
La raison principale à notre avis se situe dans l’appréhension du rôle social de l’enseignant. Dans toute société organisée, la perpétuation des valeurs qui sont l’objet d’un consensus est confiée à l’école. L’enseignant en est l’héritier critique. Ce rôle fondamental est permanent et consiste à servir d’intermédiaire entre le savoir, la culture et les élèves. C’est pourquoi dans son expertise de compétences, il est le détenteur du référentiel disciplinaire qui se compose des savoirs savants et des disciplines de savoirs (contenus d’enseignement). Pour que l’enseignant joue efficacement son rôle dans la transposition didactique, il doit se ressourcer rationnellement dans des savoirs environnementaux (connaissance de l’établissement, des élèves et de leurs milieux), des savoirs sociaux de références (attentes sociales des élèves), des savoirs scientifiques (ses connaissances académiques) et de son référentiel de compétences (culture intellectuelle).
L’enseignant d’aujourd’hui se voit de plus en plus confronter à des réalités complexes. Elles se caractérisent d’une part, par la diversité culturelle des élèves, leur nécessaire socialisation dans un monde en constante évolution et, d’autre part, les rapports divergents que développent les élèves face aux savoirs, au sens qu’ils attribuent à l’école et à son ouverture sur le marché du travail. Ces considérations altèrent les motivations de l’enseignement et de l’apprentissage. Ce contexte exige alors de l’enseignant d’être en mesure d’effectuer un constant retour réflexif sur ses actes et de développer une maîtrise suffisante de la discipline propre à répondre aux besoins de ses élèves.
3. Stratégies d’intervention du personnel de l’encadrement pédagogique en faveur du pôle enseignant.
La réforme du système éducatif en cours au Burkina Faso met l’accent sur l’approche par les compétences. Ce nouveau paradigme pédagogique impose donc une relecture des programmes d’enseignement incluant les thèmes émergents « dans le sens d’une meilleure inscription dans la réalité socio-économique burkinabè et d’une plus grande fonctionnalité » dixit la lettre de politique éducative de juillet 2008 . Cette mission requiert une très grande mobilisation participative des encadreurs pédagogiques pour leur élaboration, la formation des enseignants aux nouvelles méthodes pédagogiques et leur exécution, le contrôle et l’évaluation de l’application des directives de leur mise œuvre.
Pour notre stratégie de formation continue des enseignants aux nouvelles méthodes pédagogiques, nous choisissons d’adapter quatre (4) compétences parmi dix (10) grands domaines de compétences répertoriées par Perrenoud (1996). Il s’agit de privilégier, en formation continue basée sur le modèle de l’articulation théorie/pratique de Gaudreau (1999), les compétences suivantes: 1) organiser et animer des situations d’apprentissage, 2) gérer la progression des apprentissages, 3) affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession et 4) gérer sa propre formation continue.
3.1. Organiser et animer des situations d’apprentissage
Pour permettre aux enseignants de développer cette compétence, des activités de formation seront menées pour les outiller: à connaître les contenus à enseigner de leur discipline et leur traduction en objectifs d’apprentissage, à travailler à partir des représentations de leurs élèves (la contextualisation des situations d’apprentissage), à travailler à partir des erreurs et des obstacles à l’apprentissage, à construire et planifier des dispositifs et des séquences didactiques (le décloisonnement de l’enseignement du français), à engager les élèves dans des activités de recherche et/ou dans des projets de connaissance (exposés sur des thèmes d’EmP et de développement durable).
3.2. Gérer la progression des apprentissages
Pour permettre aux enseignants de développer cette compétence, des activités de formation seront menées pour les outiller : à concevoir et gérer des situations-problèmes ajustées aux niveaux et possibilités des élèves, à observer et évaluer les élèves dans des situations d’apprentissage, selon une approche formative, à établir des bilans périodiques de compétences et prendre des décisions de progression.

3.3. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession
Pour permettre aux enseignants de développer cette compétence, des activités de formation seront menées pour les outiller : aux méthodes de prévention de la violence à l’école et dans la cité (éducation à la citoyenneté), aux méthodes de lutte contre les préjugés et les discriminations sexuelles, ethniques et sociales (éducation aux droits de l’homme), à leur participation à la mise en place de règles de vie commune touchant la discipline à l’école, les sanctions, l’appréciation de la conduite (participer au conseil d’établissement), à l’analyse de la relation pédagogique (l’équipe pédagogique), l’autorité, la communication en classe, au développement du sens des responsabilités, de la solidarité et du sentiment de justice.
3.4. Gérer sa propre formation continue
Pour permettre à l’enseignant de développer cette compétence, des activités de formation seront menées pour l’outiller : à savoir expliciter ses pratiques (travail réflexif et de métacognition), à établir son propre bilan de compétences et son programme personnel de formation continue, pour négocier un projet de formation commune avec des collègues (équipe d’animation pédagogique), pour accueillir et participer à la formation des collègues.
Conclusion
Face aux enjeux de développement durable, la formation continue des enseignants apparaît comme le lieu de convergence et de partage des stratégies et plans d’action de l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Le professeur doit se sentir responsable des contenus qu’il enseigne devant la communauté éducative entière, à commencer par les parents et les élèves eux mêmes car les savoirs ne sont pas des lettres mortes, mais des instruments qui agissent en responsabilité au sein de la communauté à laquelle ils sont proposés. La personnalité du professeur doit être celle d’un professionnel parfaitement conscient des choix qui ont été opérés dans les contenus qu’il enseigne et capable à son tour d’effectuer des choix permanents de stratégies pédagogiques, ainsi que de fournir un feedback nourri aux concepteurs de contenus sur leur mise en œuvre et leur future évolution.

Bibliographie
Burkina Faso. Gouvernement. (Juillet 2008). Lettre de politique éducative
GAUTHIER, Roger-François. (UNESCO, 2006) : Les contenus de l’enseignement secondaire dans le monde : état des lieux et choix stratégiques
PERRENOUD, Philippe, (1996): Formation continue et développement de compétences professionnelles in, L’Educateur n°9, pp 28-33.
Source : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1996/1996_27.rtf
VIMBOUE, Dénis. (2011). Cours sur les questions d’épistémologie aux élèves conseillers pédagogiques 2010-2012 de l’ENS-UK.

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