Introduction
Au Burkina Faso, à l’origine, le corps des inspecteurs de l’enseignement secondaire a été créé par le Décret 079/329/PRES/PM du 27 août 1979. Les attributions qui lui ont été conférées étaient les suivantes : encadrement et suivi pédagogique des professeurs et contrôle des enseignants du second degré au cours duquel un rapport d’inspection qui comportait une note chiffrée était rédigé.
Depuis la réforme générale de la fonction publique en 1998, le corps des encadreurs pédagogiques prend en compte les inspecteurs et les conseillers pédagogiques du secondaire. La plupart des encadreurs pédagogiques exercent sous la supervision de la Direction Générale des Inspections et de la Formation des Personnels de l’Education (DGIFPE). Des pools d’inspection ont été créés au niveau des directions régionales pour la mise en œuvre des missions de cette direction.
Le fondement juridique du rôle de l’encadreur pédagogique est défini depuis 2006 par Décret 2006-423/PRES/PM/MFPRE/MESSRS/MFB du 11 septembre 2006. Il s’agit sommairement, de la révision des référentiels, des curricula, des programmes et instructions officielles, de la notation pédagogique des enseignants et des conseillers pédagogiques de l’enseignement secondaire. Les inspecteurs de l’enseignement secondaire sont donc secondés par les conseillers pédagogiques dans l’accomplissement de leurs tâches ou de leurs fonctions.
Nous analyserons le rôle et la place du conseiller pédagogique dans le dispositif organisationnel de notre système éducatif et au regard de ses attributions juridiques dans le contexte ambiant de la réforme du système en vigueur depuis 2007 pour une meilleure contribution à un bon accompagnement des enseignants.
I- Le cadre organisationnel systémique de l’action du conseiller pédagogique.
L’action du conseiller pédagogique s’inscrit dans le contexte ambiant de la réforme du système éducatif et tire ses fondements de la loi 013_2007/AN du 30 juillet 2007 portant Loi d’orientation de l’éducation en ses articles 59, 62 et 63. En effet ces articles font explicitement référence à l’évaluation pédagogique pour « l’amélioration de la qualité, de la pertinence et de l’efficacité du système éducatif ». L’article 63 de la loi précise « le domaine de l’évaluation du système qui recouvre : la mise en œuvre de la politique éducative ; la finalité et les objectifs du système impliquant les missions des différents ordres d’enseignement ; les programmes et méthodes d’enseignement ; les performances en matière de planification, de gestion et de pilotage ; le rendement des établissements d’enseignement et de formation ; les prestations des enseignants et des encadreurs ; les acquis des apprenants »
Les dispositions de la loi d’orientation sont complétées par le Décret 2008-373/PRES/PM/MESSRS/ du 02 juillet 2008 portant organisation de l’enseignement secondaire. Aux termes de ce décret, le Conseiller Pédagogique fait parti des personnels de l’enseignement secondaire (article 8) qui comprennent : « le personnel enseignant ; le personnel d’encadrement pédagogique ; le personnel d’administration et de gestion ; le personnel d’appui ». Le Conseiller Pédagogique est classé parmi le personnel d’encadrement (article 10) qui comprend : « les Inspecteurs de l’Enseignement Secondaire ; les Conseillers Pédagogiques de l’Enseignement Secondaire ; les Conseillers d’Orientation Scolaire et Professionnelle; les Conseillers, les Attachés et les Assistants d’Education. »
En dépit de son antériorité par rapport aux textes de la réforme du système éducatif en cours d’application, l’emploi de Conseiller Pédagogique tire son fondement juridique du Décret 2006-423/PRES/PM/MFPRE/MESSRS/MFB du 11 septembre 2006 portant organisation des emplois spécifiques du Ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. En effet, ce sont les articles 41, 42, 43, 44, 45 et 46 du décret qui fixent les attributions, les modes et conditions d’accès ; de même que la classification catégorielle et les dispositions transitoires applicables à l’emploi spécifique du conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire.
II- Le rôle du conseiller pédagogique dans la réforme et sa contribution à un bon accompagnement des enseignants.
Officiellement depuis la prise du décret de 2006 portant organisation des emplois spécifiques du MESSRS le Conseiller Pédagogique nommé dans cet emploi reçoit les attributions suivantes définies à l’article 41 : « encadrer et effectuer le suivi pédagogique des Enseignants ; participer à l’élaboration et à la révision des référentiels, des curricula, des programmes et instructions officiels ; effectuer des visites de classes ; prodiguer des conseils aux enseignants de l’Enseignement secondaire ; réaliser des animations pédagogiques ; contribuer à la recherche action dans le domaine de l’éducation ; diffuser et expliquer les innovations pédagogiques ; effectuer le suivi des Enseignants et des enseignements ; vérifier la conformité des laboratoires, des ateliers, des équipements et des installations pédagogiques ; vérifier le respect des programmes ; vérifier le respect des instructions officielles ; participer à l’évaluation des Enseignants et des formations ; participer à l’élaboration des plans de formation ; participer à la formation initiale et continue des Enseignants ; former les Enseignants aux techniques d’animation ; former des tuteurs en entreprise dans l’Enseignement technique ; participer aux examens et concours du secondaire ; participer à l’examen du baccalauréat ; exécuter toutes autres tâches connexes confiées par le supérieur hiérarchique dans le cadre règlementaire. »
Dans le contexte actuel de l’application de la réforme du système éducatif, le gouvernement du Burkina Faso a publié la lettre de politique éducative en juillet 2008 où il fixe les objectifs quantitatifs et qualitatifs à l’horizon de 2015-2020 pour accomplir les objectifs du millénaire pour atteindre l’éducation pour tous (EPT). Ce sont les objectifs poursuivis par les ordres d’enseignement du post primaire et du secondaire qui couvrent le rôle du Conseiller Pédagogique. Il s’agit des paragraphes 3.2.2 sur « L’amélioration de la qualité et de la pertinence de l’enseignement secondaire général », 3.2.3 sur « la promotion de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels » et 3.2.4 sur « l’amélioration de l’intégration des actions de formation conduites à ce niveau d’enseignement ».
Dans une communication portant sur Le rôle et la place du CPES dans l’enseignement secondaire au Burkina Faso, à la Première Conférence annuelle des Conseillers Pédagogiques de l’Enseignement secondaire (CACPES), à Bobo-Dioulasso du 10 au 15 septembre 2007 sur ce thème, Monsieur le Ministre des Enseignements secondaires, supérieur et de la Recherche scientifique, le Professeur Joseph PARE, avait soutenu que la nécessité d’accroître les effectifs des enseignants avait pour corollaire le renforcement des effectifs des encadreurs pédagogiques notamment des CPES. En effet, avec les objectifs quantitatifs poursuivis par l’Education pour tous (EPT), le taux brut de scolarisation au post-primaire devrait passer de 21,8% en 2007 à 40% en 2015 selon la lettre de politique éducative de juillet 2008. La réalisation de cet objectif entrainerait un accroissement des effectifs scolaires, des infrastructures et des enseignants. Aussi, pour mettre en œuvre le volet qualitatif de la réforme ayant trait à l’amélioration de la qualité et de la pertinence de l’éducation, la contribution de l’encadrement en général et celui du Conseiller Pédagogique en particulier s’en trouverait accrue en termes de sollicitudes pour accompagner la gestion des dispositifs et des recherches pour apporter des innovations pédagogiques commandées par les travers de la réforme.
Tout processus de changement comme celui que voudrait imprimer la réforme du système éducatif engendre des résistances qui se traduisent souvent par des situations conflictuelles dues à la méconnaissance des nouveaux rôles des acteurs. Le Conseiller Pédagogique qui est le bénéficiaire d’une formation de pointe est présumé être l’agent de changement qu’il faut pour faciliter le processus de changement par la dynamique formative des acteurs de la gestion stratégique des dispositifs et des ressources. Ainsi donc, ils peuvent contribuer à la formation des gestionnaires des établissements (les chefs d’établissement et leurs collaborateurs) pour accroître leurs compétences de gestion en vue d’atteindre la qualité de l’éducation recherchée et réduire les conflits de compétences à ce niveau.
La réforme du système éducatif met l’accent sur l’approche par les compétences. Cette nouvelle stratégie pédagogique impose donc une relecture des programmes d’enseignement incluant les thèmes émergeants « dans le sens d’une meilleure inscription dans la réalité socio-économique burkinabè et d’une plus grande fonctionnalité » dixit la lettre de politique éducative de juillet 2008. Cette mission requiert une très grande mobilisation participative des encadreurs pédagogiques pour leur élaboration, la formation des enseignants à nouvelles méthodes pédagogiques de leur exécution, le contrôle et l’évaluation de l’application des directives et de leur mise œuvre.
Partant de cette analyse, on est en droit d’affirmer que le Conseiller Pédagogique en particulier, et l’encadrement en général, devrait occuper légitimement une place de choix dans la mise en œuvre de la réforme du système éducatif. Malheureusement, le constat révèle une certaine amertume des acteurs quant au rôle et à la place qu’ils occupent réellement. Les raisons sont à rechercher au plan institutionnel à travers certaines insuffisances liées au mode de recrutement de formation et de motivation des agents nommés dans cet emploi.
III- Les difficultés liées au rôle et à la place du conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire
Au plan institutionnel, la mise en œuvre de la réforme de notre système éducatif s’effectue dans un environnement de structures organisationnelles en charge de l’éducation totalement éclatées aussi bien dans les missions que dans la ligne hiérarchique. Cette diversité se constate au plan structurel et fonctionnel marqué par un système de gestion de type bureaucratique se caractérisant par son aspect cloisonné. En effet, les différentes missions de l’éducation sont éclatées et confiées à plusieurs ministères qui ont la charge de leur exécution. Ainsi, on distingue :
- le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN) qui en partie s’occupe de l’éducation de la petite enfance dont l’âge de la scolarisation va de trois (3) à cinq ans;
- le ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA) chargé de mettre en œuvre la scolarisation obligatoire de six (06) à seize (16) ans ;
- le ministère des Enseignements secondaire, supérieur (MESS), qui, comme son nom l’indique, est chargé de ces ordres d’enseignement ;
- le ministère de la Jeunesse et de l’Emploi et de la Formation professionnelle (MJEFP) qui a la charge de l’éducation des jeunes et leur employabilité à travers leur formation dans des structures techniques formelles et informelles.
Ainsi, il n’apparait pas assez facile de constater la cohérence de notre système éducatif. Cette cohérence est d’autant plus confuse qu’au plan fonctionnel, on constate ici et là des chevauchements de missions. Le politique n’a pas jugé utile de confier la mission de l’éducation à un seul ministère. Aussi, dans sa stratification organisationnelle et fonctionnelle visible sur le terrain, on constate que la mission de la scolarisation obligatoire, confiée au MENA, se retrouve en partie exécutée par le MESS. En effet, le MENA s’occupe de la gestion des structures de l’enseignement primaire (de 6 à 12 ans) et le MESS prend la relève avec les structures de l’enseignement post-primaire et secondaire. Pourtant, dans ces attributions, le MENA, en principe, devrait s’occuper de gérer tout le dispositif de l’enseignement de base qui comprend l’enseignement primaire et post primaire. Cette diversité influence également le mode de distribution des ressources tant matérielles, financières qu’humaines. C’est pourquoi, le Conseiller Pédagogique, qui est chargé avec les autres acteurs de l’encadrement, du contrôle et de la mise en œuvre de la qualité de l’éducation dans l’Enseignement secondaire, doit également se déployer aussi au post-primaire sans bénéficier de l’appui en ressources mobilisées par les partenaires techniques et financiers au profit de cet ordre d’enseignement à travers le Projet de Développement de l’Enseignement de Base (PDEB) logé au MENA.
En plus de ces difficultés plus ou moins réelles, on assiste à un conflit larvé, entre les acteurs du MESS, lié à la motivation salariale. Les Conseillers Pédagogiques en effet, se sentent victimes d’un manque de considération de leur hiérarchie et cela ne facilite pas leurs luttes pour la valorisation de leur emploi par le politique décisionnel. Le malaise en apparence des Conseillers Pédagogiques traduit la profondeur des insatisfactions des acteurs de l’éducation en général pour la valorisation des métiers de ce secteur depuis la base jusqu’au supérieur.
Conclusion
La nature des missions dévolues aux encadreurs pédagogiques (Inspecteurs et Conseillers Pédagogiques de l’Enseignement secondaire) commande une collaboration entre les acteurs et les différentes structures. Il est nécessaire d’instaurer une synergie d’action entre les directions responsables de la gestion du matériel et des finances, des ressources humaines, d’une part et de celle chargée du suivi et de la formation pédagogique (DGIFPE) d’autre part. A cela s’ajoute la nécessité de la pratique de l’interdisciplinarité pour mettre fin au cloisonnement artificiel entre les disciplines. Une motivation conséquente des acteurs du système éducatif pourrait également constituée un facteur positif pour l’enracinement de la réforme conformément à la feuille de route de l’autorité politique en charge de son pilotage.
YOMA BATIANA
Elève Conseiller Pédagogique
de l’Enseignement secondaire
Spécialiste en gestion des systèmes éducatifs de
L’Université Senghor d’Alexandrie (MASTER-Prof II)
Chevalier de l’Ordre National
Médaille d’Honneur des Collectivités
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